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Niveau 4eme géographie

HISTOIRE DES IDEES POLITIQUES

XVIième Siècle.

Par Stéphane Gobert


 

Créé par S. Gobert grâce au notes de F. Gilon

I) La rénovation des idées dans les luttes politiques du XVIe Siècle.

 

 

Introduction

 

L’Europe du XVIe S, se trouve dans la période de la réforme (naissance du protestantisme), siècle de transformations : * Scientifiques (ébauche des sciences modernes : Léonard de Vinci)

* Culturelles et de pensée (siècle de l’humanisme et de la renaissance)

* Sociales (par les grandes découvertes, il y a augmentation des prix. Naissance des grandes fortunes grâce aux banques et au grand commerce. Développement du capitalisme commercial)

 

C’est aussi un siècle en rupture avec les siècles passés, un siècle novateur. Mais il existe cependant des éléments de continuité (exemple : économie rurale, société aristocratique).

Il est novateur en pensée politique, car la doctrine de l’absolutisme (pouvoir royal sans limites, et aux sujets réduits à l’obéissance) s’élabore. C’est la rupture avec le Moyen-Age. Il faut cependant remarquer que l’absolutisme s’inspire du droit romain (dans l’antiquité classique) et que la politique reste dépendante de la religion chrétienne sur le plan des idées.

Au XVIe S, l’Europe est un ensemble de corps politiques sans unité (grande variété de formes dans les institutions).

Cependant, on remarque une nationalisation des Etats et de la politique. Malgré la variété des formes et du pouvoir, on sent un effort de la part des souverains pour renforcer leur autorité et créer un état plus moderne sur le plan administratif, des armées.

 

Section I : Les progrès de l’état moderne et de la politique

 

On assiste à une modernisation de l’Etat :

Les signes sont :

Lutte contre les particularismes : les souverains doivent encore lutter contre des particularismes locaux, c’est-à-dire qu’il reste une certaine autonomie locale. Exemple : dans nos régions, les Bourguignons ont eu à lutter contre certaines villes soucieuses de leurs privilèges anciens. Charles Quint écrasera la révolte des Gantois en 1539.

 

En France, on voit des juristes faire des commentaires sur le pouvoir royal. Tous ces écrits vont dans le même sens, à savoir l’acceptation de l’autorité existante (royale). La rébellion est dès lors condamnable, car se rebeller contre le souverain, c’est se rebeller contre Dieu. Il existe également des écrits semblables en Angleterre.

En fait, ce ne sont pas de véritables traités politiques, mais ils reflètent la morale traditionnelle, la loyauté envers le roi, le sens national.

 

Il écrit en 1519 " La grande monarchie de France ".

Pour lui, la monarchie est le meilleur régime possible, mais il considère qu’il y a des freins au pouvoir royal, comme :

Il est pour une monarchie tempérée, mais il ne fournit pas de délimitation des pouvoirs du roi et des parlements. Il est pour le maintient des privilèges des ordres (Noblesse, clergé et Tiers Etat).

Conclusion : L’évolution des théories politiques penche du côté de l’autorité royale et les doctrines s’inscrivent dans cette évolution.

 

Humaniste florentin, il occupe une place importante dans les idées politiques.

Italien, il appartient à la bourgeoisie Florentine. Les Médicis sont au pouvoir de Florence jusqu’en 1496, ensuite, ils seront chassés et une république s’installera.

Sous la république, il occupe des charges administratives. En 1512, la république s’effondre et les Médicis reviennent. Machiavel, chassé du pouvoir, se retire alors à la campagne. En fait, il a l’espoir d’être admis au service des Médicis et va faire en sorte de rentrer en grâce, notamment en donnant une série de conseils au prince de Médicis ayant alors pris le pouvoir. En fait, on lui donnera des tâches limitées et cela sans tenir compte de ses conseils politiques. Il rassemblera cependant ceux-ci dans " Le Prince ", parut en 1513, qu’il dédie à Laurent de Médicis.

Cette œuvre, qui s’explique par l’actualité politique en Italie, est aussi une réflexion sur la pensée antique. Elle est née aussi du désir de Machiavel d’entamer une nouvelle carrière au service des Médicis.

Son œuvre a été parfois très mal interprétée. Quand il écrit " Le Prince ", il pense à la situation de l’Italie. Il constate qu’elle est morcelée, qu’elle est la proie des étrangers (Français, Espagnols, et divers empires), bref, qu’elle est dominée par les barbares. Il se demande comment faire régner l’ordre et établir un état stable. C’est l’œuvre d’un patriote italien (Gothier/Troux p.61) voulant lutter contre les barbares..

Pour délivrer l’Italie des barbares, il faut un prince doté de grandes qualités. Il faut qu’il soit habile, fort, rusé (comme un lion et un renard), fortuné, craint, soucieux de sa réputation (par rapport à l’opinion politique, et la manière de la manipuler). L’hypocrisie est parfois un devoir pour le prince dans ses relations avec ses sujets et ses voisins. Le prince doit toujours veiller à renforcer l’Etat (en évitant les conquêtes trop importantes et trop éloignées).

Cette œuvre reflète un désir passionné, c’est en fait un sursaut patriotique pour lutter contre les envahisseurs autour d’un chef exceptionnel (le prince de Médicis).

Machiavel était très érudit et un connaisseur en matière de littérature antique, il est aussi un admirateur de la république romaine. Il est l’auteur de " Discours sur la première décade de Tite-Live ". Il pense que l’état républicain et dictatorial est le meilleur des états, mais avait la conviction que pour la Florence de ce temps là, il fallait un régime autoritaire princier. Il fait un compromis opportuniste.

Exaltation de l’Etat.

L’idée qui est au centre de sa pensée, est que l’individu est subordonné à l’Etat. Il dit " L’Etat exerce se contrainte sur l’individu par delà le bien et le mal ". Il se méfie de l’aristocratie et de la noblesse. Lorsqu’il aborde les relations entre les états, il a une conception réaliste : Le monde est une jungle, il faut donc être fort grâce à une armée puissante.

 

Sécularisation de l’Etat.

Séculariser, c’est vivre avec son siècle, ici, laïciser.

Progressivement, la pensée politique se détache de la pensée religieuse. Machiavel veut laïciser l’Etat et même lui subordonner entièrement la religion (qu’il considère comme un élément de cohésion sociale, un instrument du pouvoir).Il a une hostilité contre le Saint Empire et tout ce qui peut rappeler l’universalisme Chrétien. Il adopte une position anti-chrétienne, contre le pouvoir temporel de l’Eglise, contre le gouvernement des prêtres (les états théocratiques).

Conclusion : Machiavel a cerné l’art de gouverner, c’est un témoin très intéressant. Il expulse de la politique toute métaphysique. Pour lui, il n’y a que la raison humaine qui justifie la politique (appelé aussi les actions). Il ne s’interroge pas sur les valeurs morales ou spirituelles.

 

 

Section II : L’influence et les idéaux politiques de l’humanisme chrétien.

 

Machiavel se situe en marge de l’humanisme. La contribution des humanistes italiens aux mouvements des idées politiques ne peut pas soutenir la comparaison avec celle de l’humanisme chrétien. Le plus grand de ces humanistes est Erasme.

Originaire de Rotterdam, il a jouit d’une grande notoriété de son vivant. Nommé le Prince de Humanistes Chrétiens, tous le veulent. Sa pensée aura un grand rayonnement (texte p.49 Gothier/Troux).

Il est ordonné prêtre en 1492. Il exerce quelques fonctions, avant de décider de vivre de sa plume comme les humanistes qu’il admire. Il séjourne en Angleterre, en Flandre, en France, en Italie (le pays phare) où il s’est perfectionné en Grec et langues orientales. Il a donné des cours en Angleterre.

En 1517, il fonde " le collège des 3 langues " à Louvain, où il enseignera jusqu’en 1521. Finalement, il s’installera à Bâle, au Pays-Bas, et y mourra en 1536.

Les souverains d’Europe se partageaient l’honneur de recevoir les services d’Erasme (qui a, lui, refusé certains honneurs, comme le poste de cardinal). Erasme représente le caractère européen humaniste et le mouvement intellectuel européen.

Il a exercé une grande influence personnelle, son œuvre écrite et sa correspondance sont importantes. La pensée d’Erasme part d’impératifs moraux et religieux pour définir la politique (tout l’inverse de Machiavel, pour qui la politique prime sur tout le reste).

Dans sa volumineuse correspondance, Erasme a fait un commentaire presque continu sur ses vues politiques en Europe. Cependant, il existe deux œuvres qui traitent plus essentiellement de politique :

 

Critique et pédagogie.

Erasme commence par faire une critique précise des " folies " commises par les gouvernements dans :

Dans ces deux œuvres, Erasme critique :

" Eloge de la folie " est bâtie sur un paradoxe. C’est la folie qui parle et fait son éloge, parle de son rapport aux hommes, aux princes. La folie est à prendre comme le manque de bon sens, la stupidité.

Erasme va critiquer ce que les gouvernants font de mal. Il s’oppose à la guerre, au mensonge, à la violence et à la brutalité au nom de l’évangile. Car pour Erasme, il faut appliquer les préceptes évangéliques dans la vie publique et privée. Non seulement pour des raisons religieuses, mais aussi car c’est un facteur d’ordre et de prospérité. Erasme mène une réflexion basée sur les principes évangéliques à tous les niveaux.

Erasme propose une réflexion sur la formation du prince, à qui il faut inculquer les vertus chrétiennes et le sens du devoir. Erasme développe l’idée que nul n’est prince s’il n’est homme de bien. Le but de l’éducation du prince est de lui apprendre à protéger et aider ses sujets, donc, lui apprendre ses devoirs de prince.

Le prince doit surveiller les finances, l’économie, l’enseignement, le mécénat, la législation (tout en veillant à éviter les injustices).

 

 

 

La liberté chrétienne.

Erasme a peu d’intérêt quant aux problèmes juridiques et politiques. Il n’a pas de thèse en général, mais part de ce qui existe. Il a cependant des préférences en politique : pour lui, il faut des institutions pour se protéger de l’arbitraire royal. Il est pour la représentation des sujets dans les assemblées.

Il fut pendant un temps conseiller de Charles Quint.

Erasme trouve que la forme de l’état est moins importante que le cœur et l’esprit des gouvernants. Pour lui,  " l’Impérium et le Dominum " ne doivent pas exister entre chrétiens. Il ne faut pas faire peser sur les autres un pouvoir arbitraire. Il accepte qu’il puisse exister un état et un droit qui organise les relations entre les sujets et le pouvoir.

De plus, Erasme a peur de l’anarchie, ce qui le pousse à accepter la soumission à une autorité.

 

Le pacifisme.

Le thème de la guerre et de la paix a hanté Erasme. Il s’indigne quand on mène des actions belliqueuses sans beaucoup de raison. Il va jusqu’à critiquer la papauté en ce domaine. Erasme vit la guerre entre la France et l’Espagne.

Il tourne en dérision certains aspects de la guerre : les conflits, et les comédies diplomatiques basées sur la mauvaise foi.

Les causes des guerres c’est la folie, la volonté expansionniste des rois.

Dés lors, il cherche des remèdes. Pour lui, il faut fixer les frontières, tout comme l’ordre des successions, de manière très précise. Il est pour l’arbitrage par quelqu’un de neutre lors des conflits. Un des remèdes, pour lui, est de faire appel à la fraternité humaine et chrétienne.

Erasme réfléchit sur l’idée de patrie. Pour lui, c’est le pays natal, d’accueil, c’est la monde chrétien et le monde des lettres surtout. " Je veux être citoyen du monde, compatriote de tous ", dit-il. Erasme combat aussi toute forme de raison d’état.

Le pacifisme, pour lui, c’est un critère de bon gouvernement. Il est rebelle au chauvinisme, il cherche à démystifier le prestige des armes. Il défend la paix au nom de l’universalisme chrétien (un pacifisme engagé). Il admet la défense, mais attention à la mauvaise foi.

 

 

 

 

 

Philosophie chrétienne et moralisme politique.

Erasme ne fait pas de science politique. Il s’agit plutôt d’une philosophie chrétienne. Son exigence principale est une réforme morale. Erasme pense en citoyen du monde chrétien.

Il est plus soucieux de morale et de culture, que des droits et des institutions.

Ses préoccupations sont modernes. Il a envie de progrès, mais il n’est pas un constructeur.

 

 

C’est un remarquable humaniste, un esprit très religieux et bien plus engagé qu’Erasme dans l’action politique.

Il est devenu chancelier d’Angleterre en 1529, donc sous Henri VIII (Tudor). L’acte de suprématie de 1534, qui marque le schisme (la séparation avec Rome et la papauté), est dû à la volonté du roi de se séparer de Catherine d’Aragon, son épouse légitime, pour épouser Anne Bolein. Attention, cela ne signifie pas un changement de religion, le roi étant fortement attaché à la religion catholique, mais un rejet du pape et de ses décisions.

Thomas More respectait le pape en tant que chef spirituel des chrétiens, mais est contre son pouvoir temporel.

Lorsque le roi dresse l’acte de suprématie, Thomas More démissionne de la chancellerie, car il n’est pas d’accord avec le roi. Cette mésentente fut la cause de son emprisonnement et de sa mort par décapitation en 1535.

More a une place de premier plan parmi les penseurs du siècle. Comme Erasme, il est attaché à la justice, et contre le despotisme. Il a proposé des idées fort hardies, mais n’a pas été inquiété de part les formes de ses idées.

Il est l’auteur de " Utopie ", parût en 1516. Ce mot vient du grec OU – TOPOS : non-lieu, qui n’est de nulle part. Dans son livre, on voit vivre une société idéale sur l’île d’Utopie. Cette société imaginaire correspond à un idéal total.

 

Critique de la société et de l’Etat.

More décrit la société Anglaise de son temps.

Il arrive à la conclusion que le système est mauvais, c’est pourquoi il propose une société plus juste. Il propose un régime idéal, l’Utopie, qui supprime la propriété privée. L’île d’Utopie est une société sans classe où l’on ne travaille que 6 h par jour. Le reste du temps est consacré à la vie intérieure, spirituelle. Sur cette île, tous sont instruits, et peuvent participer à toutes les activités de l’île.

 

Utopie et liberté.

Le problème de la paix :

Les Utopiens sont contre la guerre, car c’est un régime pacifique. Cependant, ils défendent leur régime contre les attaques extérieures. Ils créent des colonies (expansionnisme idéologique) et sont pour la guerre quand il faut libérer des peuples opprimés.

C ‘est donc un régime pacifique, mais avec des entorses.

 

L’anticipation de More.

More a les même inspirations qu’Erasme. Il veut une société bâtie sur la justice, et est animé par le même idéal et la même générosité que l’humanisme chrétien. Il veut appliquer cette générosité dans la politique et le social.

Cette pensée a eu un grand succès dès le seizième siècle. On y trouve une réflexion sur des problèmes concrets et réalistes. On retrouve la générosité de l’humanisme chrétien.

Pourtant, More est fort loin des positions d’Erasme, ayant pourtant la même aspiration. En effet, Erasme se basait sur l’évangile pour recommander un système de gouvernement, alors que l’Utopie est basée sur la raison naturelle. Ce caractère d’anticipation permet à l’auteur de dire des choses assez fortes.

 

    1. L’idéalisme humaniste
    2. On est pour la nécessité de l’exploitation. Las Casas fut le grand défenseur de la cause indienne. Il était un de ces jeunes Espagnols partis en Amérique car il s’était vu attribué des terres sur lesquelles travaillaient des esclaves indiens. Mais ayant entendu une " voix ", il rentre dans les ordres et défend la cause des indiens. (Gothier/Troux p.18)

      Cet idéalisme a stimulé la conscience religieuse.

    3. Vittoria (1480 – 1546)

Dominicain, juriste et théologien.

Il pense que l’Etat est de droit naturel, il faut donc une organisation sociale et politique. Dans cet Etat, il y a le pouvoir monarchique, qui n’est pas au dessus des lois. Le monarque a une obligation de conscience, il ne peut pas faire n’importe quoi. Dans l’Etat, on accepte le pouvoir établit. L’Etat doit être compact, réuni, donc, FORT.

Les lois doivent avoir pour but le bien commun, l’intérêt général. La loi humaine est subordonnée à la loi divine.

Il y a peu de conflits armés qui soient justes. La colonisation peut être légitime, mais elle doit respecter le bien des indigènes.

Il demande respect de la justice et de l’humanité.

 

Section III : La réforme et ses conceptions politiques.

La réforme est le fait de plusieurs réformateurs.

La réforme va augmenter les divisions politiques de l’Europe et contribuer à ruiner l’héritage médiéval.

Au XVIième siècle, il y a une rénovation de la religion. Les manières de croire sont différentes, mais il existe toujours une liaison entre le spirituel (la foi) et le temporel (la politique).

Nous allons voir que les conceptions politiques découlent de la théologie des réformateurs.

C’est une âme inquiète, scrupuleuse, qui n’est pas sûre de son salut. Il veut devenir une élite et se découvre pêcheur et faible. Comme c’est un homme instruit, il tombe sur un écrit de Saint Paul qui dit " La foi rend juste aux yeux de Dieu ". Or Luther voyait plutôt Dieu comme un juge. De là va découler toute la conversion de Luther. Pour lui, la foi suffit pour être sauvé, et les œuvres (les actions humaines, du chrétien) sont inutiles. L’homme est trop faible tout seul, et n’a qu’à faire confiance à Dieu. Dans l’esprit de Luther, Dieu ne va pas être "épaté" par nos actions.

Il vivait à une époque où existait une crise morale, les chrétiens manquaient de guides valables. Des superstitions devenaient des rites (ex : le culte des saints, le culte de la Vierge Marie). (cf. Gothier/Troux p.75-76-77)

Il va donc supprimer les ordres religieux et le célibat des prêtres, mais garder le baptême et l’Eucharistie. Il refuse l’autorité du pape en 1517 et il écrit " Nonante-cinq propositions contre les indulgences ".

Chez Luther, on trouve deux idées majeures, déjà en place avant 1517.

Pour Luther, mélanger le royaume du monde (sous le règne du glaive, où il faut punir, contraindre, où il y a plein de " bêtes féroces ") et le royaume du ciel (sous le signe de la liberté) est désastreux.

Liberté spirituelle et contraintes politiques.

L’autorité séculière (la politique) peut agir sur les institutions et sur les hommes, la forme de l’Etat,… mais pas sur les âmes. L’homme est soumis aux régimes politiques (la liberté chrétienne n’est pas l’anarchie politique), et il faut se soumettre aux Princes, mêmes si ceux-ci sont des brigands, des fauves en liberté.

 

De Luther au luthéranisme.

La notion d’Etat est absente chez Luther, resté fidèle aux vieilles formes médiévales. C’est un conservateur sur le plan politique, mais un révolutionnaire sur le plan religieux.

Les idées de Luther ont été mises au point par Melanchton en 1530. Il va rassembler les idées de Luther, leur donner une structure plus juridique, et insister sur les devoirs du Prince. C’est donc lui qui rédige en 1530 la Confession d’Augsbourg.

Par la suite, les églises luthériennes se sont organisées en s’éloignant du souffle individualisme du réformateur. Elles n’ont pas développé une pensée politique très riche.

Pourtant, Luther a amplifié des mouvements sociaux d’une grande violence (cf. la révolte des paysans et l’anabaptisme). Ces doctrines d’anarchie religieuse et sociale sont nées et se sont développées grâce à l’acharnement de Luther.

Les sectes et les révoltes.

Il existe un mécontentement populaire en Allemagne, qui va entraîner une révolte de paysans en 1524-1525. Il s’agit d’une protestation contre les seigneurs et la misère. Ils veulent lutter contre les abus, pour obtenir une existence moins misérable. Ils vont aussi susciter des troubles dans les villes.

Les révoltes visent d’abord des objectifs matériels (une existence moins misérable), mais va cependant y mêler la religion. L’objectif va devenir aussi bien religieux que social.

Dans cette guerre, un certain Thomas Müntzer va se jeter dans la bataille. Disciple de Luther, il a un souffle fanatique (un illuminisme outrancier), et proposait la libération sociale et l’attente mystique. Il réunira du monde pour s’engager dans la guerre, et fera lui-même partie de la secte des " illuminés " qui l'est au sens propre comme au figuré.

Müntzer fait peur par son mysticisme exacerbé et son annonce de la révolte sociale. En 1525, fin de la révolte, Müntzer est exécuté.

Cette révolte était condamnée par Luther, qui prône le respect du pouvoir temporel quelque soit les malheurs des hommes.

(cf. Gothier/Troux p.79-80, texte A et B).

L’anabaptisme tire son nom d’un deuxième baptême donné à l’adulte. Elle trouve ses sources dans l’illuminisme médiéval. Elle cherche dans la bible un moyen d’organisation sociale. Les anabaptistes croient à la proximité du jugement dernier. C’est une secte très mystique, qui insiste sur le rôle permanent de l’esprit saint, et rejette toute médiation entre l’homme et Dieu. Ils rejettent l’autorité politique et la hiérarchie religieuse, ce qui leur vaudra d’être combattu par tous (Luther, le Princes, les nobles, l’Eglise, … sont contre ce mouvement).

Pour eux, tous les hommes sont égaux aux yeux de Dieu et doivent donc l’être aussi sur terre. Ils voulaient mettre tous les biens en commun (pas de propriété privée).

Jean de Leyde, un des chefs de file du mouvement, va choisir la ville de Münster comme lieu principal d’établissement de la secte. Il prend le pouvoir de la cité et y établis ses lois (celles de la secte). En 1536, la ville tombe et l’on chasse les anabaptistes.

L’anabaptisme a survécu en Europe de l’Est (ex : Pologne) sous une forme pacifique (refus de la participation à la vie sociale et militaire), et cela malgré les persécutions.

Cette secte s’oppose au luthéranisme par le rejet obstiné du droit temporel.

Français, il possède une formation théologique et juridique. Il a plus le sens du droit et de l’Etat que Luther. Il renonce à la foi catholique sous l’influence de Luther. Sa rupture est plus radicale que les réformes précédentes.

Il publie en 1536 " L’institution Chrétienne ". Cet ouvrage est enrichi par l’expérience de Genève. Calvin oppose la transcendance divine et la marginalité humaine. Il voit la créature humaine complètement déchue depuis Adam. Alors intervient le salut que Dieu donne à l’homme : la foi. L’homme qui a la foi pense que le salut est gratuit et que Dieu nous prédestine au salut, mais sans que nous puissions avoir aucune certitude absolue. Il faut faire confiance à Dieu.

Dans l’esprit de Calvin, la théorie de la prédestination est très importante. Elle n’est pas faite pour désespérer le fidèle, mais pour que celui-ci ait une confiance totale en Dieu. C’est déjà un signe de la miséricorde de Dieu. La prédestination est un dogme (car basé sur la foi) et une hérésie (quand Dieu garde son jugement sur chaque homme).

 

Organisation sociale et politique.

Calvin croit à la nécessité de l’organisation sociale et politique, donc, en l’Etat. L’homme dans son Etat peut agir, et n’est pas déchiré comme chez Luther entre le spirituel et le temporel.

Pour lui, l’autorité est fondée par Dieu, donc est respectable et on doit lui obéir. Mais le but de l’autorité, c’est de bien administrer la religion. Si l’autorité politique doit conduire l’homme au salut, elle a une fonction spirituelle. Le peuple ne peut pas se révolter contre l’autorité, quelle qu’elle soit.

Cela introduit l’idée d’un contrôle spirituel et temporel, pour arriver à une théocratie.

Calvin n’est pas un révolutionnaire, car sa théorie préconise la passivité politique : le peuple n’a pas à se révolter.

Les calvinistes auront à cœur de s’insérer dans la société civile . Ils ont toujours essayé de dominer les villes aussi bien politiquement que religieusement, ce qui entraînera des conflits entre ces villes.

Calvin à Genève : la dictature religieuse.

Rappel : Théocratie : le pouvoir à Dieu, ou la confusion entre le pouvoir politique et religieux. Le pouvoir politique est exercé par les autorités religieuses.

Au XIIième Siècle, Innocent III et IV ont imposé ou cherché à imposer la théocratie, en affirmant la supériorité du pouvoir religieux sur le pouvoir des rois.

Innocent IV prétend qu’il est le souverain universel, les Princes appartenant au troupeau des chrétiens, doivent donc être surveillés et corrigés par le pape, voire éventuellement déposés par lui.

Innocent III disait " Comme la lune tire sa lumière du soleil, de même le pouvoir royal reçoit sa splendeur de l’autorité pontificale ".

Cette théorie est fort prisée au XIIIième Siècle, mais ruinée à la fin du XIIIième Siècle par l’action de Philippe le Bel, qui s’oppose à l’autorité politique de Boniface VIII.

Calvin a eu des démêlés avec le pouvoir de son pays (le roi de France), et est donc parti en Suisse, d’abord à Bâle, puis à Genève , où il tentera d’imposer ses idées.

Calvin dirigeait avec un consistoire (autorité religieuse) qui contrôlait sévèrement le vie privée et publique, effaçant un peu le pouvoir civil. C’était un régime où l'obéissance à la loi était imposé à tous. 

Conclusion : L’influence du calvinisme et de la Réforme en général sur le mouvement des idées politiques a été indirecte, mais importante. La division religieuse entre les Etats va entraîner des conflits (guerres de religions = division de la chrétienté) et ébranler la politique et la stabilité des Etats. Ces faits vont développer des discussions, et tous ces troubles vont être un stimulant vigoureux pour la pensée politique.

 

 

Section IV : Les controverses d’un monde déchiré.

 

Rappel : Dès 1530, les princes luthériens prennent les armes contre Charles Quint, c’est la ligue de Smalkalde. Les princes luttent contre un pouvoir fort, une tentative de centralisation. Il ne faut pas oublier, pour comprendre leur action, qu’il s’agit d’une question de vie ou de mort.

Peu à peu, on va justifier le recours à la force pour défendre sa foi. On va vers une légitimation théorique de la résistance.

 

  1. Les premières luttes et leur expression idéologique.

Il s’agit d’une prise de position de 9 pasteurs (les autorités protestantes), contenue dans un texte : La confession de Magdebourg.

L’idée principale est la justification des révoltes contre l’empereur, parce qu’il agit contre Dieu en voulant abolir la " vraie " religion (celle de Luther).

J. Knox a organisé l’Ecosse selon le modèle de Genève. Il estimait que Dieu commandait de châtier les idolâtres (les papistes) et de renverser les princes ennemis de la foi (protestante).

Il a prit le contrôle d’Edimbourg. Il va ainsi lutter contre l’autorité de Marie Stuart.

Il n’y a pas de principes politiques opposés à l’absolutisme. Ce qui ne veut pas dire que les sujets ne peuvent pas réagir contre l’excès de pouvoir, mais que, contrairement à ailleurs, il n’y a pas de théories politiques élaborées.

Les Pays-Bas sont constitués de 17 provinces, réunies par les Bourguignons et complétées par Charles Quint. Cela représente à peu près la Belgique et les Pays-Bas actuels.

Lorsque Philippe II (1555 – 1598) récupère les Pays-Bas de Charles Quint, il va réprimer les protestants, les privant de leurs droits.

Il va ainsi susciter une révolte contre lui, la révolte des Pays-Bas (1566 – 1579).

Finalement, cela aboutira à une division du territoire, le nord devenant les Provinces Unies, et le sud les Pays-Bas Espagnols.

On assiste donc à un mouvement de lutte contre l’Espagne. C’est une opposition politique et religieuse.

L’idée de patrie fait son chemin, et est accentuée par les répressions exercées par l’Espagne (les étrangers).

  1. Les monarchomaques.
  2. Ils sont ceux qui combattent la monarchie (étymologiquement parlant), mais surtout l’abus de pouvoir. Ils auront une influence plus tard sur de grands penseurs.

    Ce sont des penseurs français protestants (calvinistes dans la 2ième moitié du XVIième siècle), qui vont écrire des œuvres militantes, dans lesquelles ils défendent le droit de rébellion. Ils auront une influence en Angleterre et en Hollande, et on se servira d’eux pour défendre des idées libérales. Droit de résistance, théorie du contrat.

  3. Les réactions catholiques.

Il s’agit de la Ligue catholique française, organisée pour la défense de la religion catholique.

Les ligueurs reprennent les idées des monarchomaques et évoluent vers une hostilité au roi. Ils se rattachent à la Contre-Réforme et font preuve de beaucoup d’audace, allant jusqu’à combattre Henri IV, successeur légitime au trône de France, et en étant prêt à s'allier à l'Espagne.

Rappel : Les Valois :

François I (1515 – 1547)

Tranquillité religieuse

Henri II (1547 – 1559)


François II (1560 ) Charles IX (1560-1574) Henri III (1574 – 1589)

Depuis 1560, existe la question religieuse. Des familles nobles vont prendre part aux affrontements, dans le but ultime de prendre le pouvoir des mains de ces rois faibles qui ont présidé alors. S’opposent essentiellement la famille de Guise (ligue catholique) et les Bourbons (Union calviniste), et cela pendant 40 années de guerres de religions.

Henri III qui se trouve sans successeur à sa mort, avait cependant désigné son cousin Henri de Navarre (de la famille des Bourbons et protestant) comme légitime successeur. Celui-ci prend le nom d’Henri IV et entame un règne difficile, dû aux guerres de religions opposant catholiques et protestants.

La Ligue le refuse comme souverain, et s’allie à l’Espagne pour s’opposer au roi. Henri IV prendra les armes pour lutter contre cette coalition défiant son pouvoir royal. Cette affaire durera des années.

Paris, elle-même, est ligueuse, refusant son accès au roi. Henri IV va alors abjurer sa religion protestante et se convertir au catholicisme en 1593 : " Paris vaut bien une messe … "

Son règne sera grand, et il essayera de pacifier son royaume.

Il meurt assassiné par un exalté en 1610. Son œuvre restera inachevée, et la France tombera dans l’anarchie.

 

La Contre-Réforme est une réforme catholique. C’est une réaction de l’Eglise catholique, pour lutter contre le protestantisme et restaurer la foi catholique. L’Eglise catholique voulait aussi lutter contre certains abus et favoriser le dogme.

Il y eu des réformes d’anciens ordres religieux (ex : les carmélites). C’est également la fondation des Jésuites par Ignace de Loyola (militaire, blessé et immobilisé chez lui, il lira beaucoup de livres pieux. Il réfléchit, et crée la Compagnie de Jésus).

Il se concrétise par la tenue du Concile de Trente (1545 – 1563), dans la ville de Trente, actuellement au nord de l’Italie, mais qui faisait partie de l’Etat de Charles-Quint. Le But est de fixer le dogme (matière à croire), par l’édictions des " décrets dogmatiques ". Exemple : le nombre de sacrements (7), l’opposition à la prédestination.

Bellarmin estimait que le Pape a un rôle limité dans le domaine politique, n’ayant pas un pouvoir proprement politique, mais pouvant s’opposer à ce qui met en danger la chrétienté.

Molina dit qu’un Prince hérétique peut être déposé par son peuple sur l’ordre du Pape, suscitant les inquiétudes des rois.

Mariana faisait une place importante au contrôle ecclésiastique et au contrôle de la foi. Il a fait l’apologie du tyrannicide, autorisant l’élimination d’un tyran.

Les Jésuites se sont basés dès le début sur l’enseignement. Ils ont été opposés au pouvoir royal, cela vaudra longtemps aux Jésuites d’être anti-royalistes.

  1. La victoire du royalisme.

Le pouvoir royal a toujours eu des défenseurs, même au moment des guerres civiles. Le pouvoir royal pouvait sauver l’unité du royaume et lutter contre les extrémistes religieux. Cependant, dans les écrits de l’époque, on ne trouve pas des écrits philosophiques de la tolérance.

L’Edit de Nantes, 1598 (accordé aux Huguenots par Henri IV)

En fait, il s’agit d’un compromis dans le Royaume de France face à la supériorité des catholiques, et n’est pas une doctrine.

Il y a toujours eu un courant royaliste, par tradition et par instinct, de 1560 à Henri IV.

Durant la guerre civile, on prêche la concorde, mais pas une théorie de la tolérance.

 

Le roi est le point de rassemblement populaire et il bénéficie du renforcement d’un sentiment national.

On observe cela :

En Angleterre, l’obéissance est défendue par l’anglicanisme.

En France, la solidarité a joué entre la noblesse et le monarque (le représentant de l’ordre politique), toutefois sans supprimer l’esprit d’indépendance des nobles.