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Niveau 2de, module

module de seconde sur la
Joconde

Par Anne Philippon


MODULE : Composition

Durée : 2 heures

Selon le niveau de difficulté souhaité, on peut distribuer le plan détaillé
avec le texte ou pas.

Place de la séquence : après avoir abordé les points méthodologiques
suivants :

* analyse d’un sujet de composition , problématique
* la plan d’une composition
* l’introduction et la conclusion

OBJECTIFS :

* comprendre l’importance de la présentation aérée d’une composition
* introduction et conclusion : évaluation de l’acquisition de la
.méthode, approfondissement
* plan : apprendre à repérer un plan (parties et sous parties) ;
comprendre l’intérêt des mots de liaison et de transitions
* connaissance : approfondissement de la Renaissance : La Joconde

SUPPORT : texte de V. Pomarède, conservateur au musée du Louvre :
Comment expliquer le succès de la Joconde ?

Ce texte a été modifié, l’original se trouve à l’adresse
suivante :

http://www.puc-rio.br/louvre/francais/magazine/jocon.htm



Merci à l’auteur qui m’a permis d’utiliser son texte.



Remarques : ce module a été testé dans 4 classes de seconde de niveau très
différent. Il a très bien fonctionné. Si lorsque le texte brut a été
distribué, les élèves ont réagit de manière très négative en critiquant la
longueur et le côté " indigeste " de la présentation, il ont très vite été
accrochés et se sont pris au jeu du repérage de l’introduction et de la
conclusion.

N’hésitez pas à me faire part de vos remarques, de vos suggestions pour
améliorer ou compléter cet exercice.

Anne Philippon annejo@club-internet.fr



Les visages de la Joconde









Léonard de Vinci La Joconde (Monna Lisa) vers 1503-1506 Bois - H 77 cm

par Vincent Pomarède Conservateur au département des Peintures du musée du
Louvre

Quel est le lien mystérieux qui s'établit au cours du temps entre une oeuvre
d'art et son public ? Quels sont les éléments, les motivations profondes et
les secrets techniques qui peuvent expliquer que la Victoire de Samothrace,
la Vénus de Milo ou l'Angélus de Jean-François Millet soient devenus des
objets d'admiration, de contemplation -presque d'adoration- universelles, au
point que tous les supports modernes, depuis les calendriers de fin d'année
jusqu'à la publicité, les aient utilisés, parfois, jusqu'à l'excès ? L'étude
du succès sans égal, depuis trois siècles, de la Joconde de Léonard de Vinci
-nommée Monna Lisa par le public anglo-saxon- permettrait sans doute de
mieux comprendre les motivations nombreuses et complexes qui amènent les
visiteurs d'un musée à ne se souvenir que d'une seule oeuvre au milieu de
milliers d'autres. En effet, la Joconde est sans contestation possible le
tableau le plus célèbre du monde, identifié aujourd'hui totalement au musée
du Louvre et même à la notion d'art en général. Et si nous parvenions à
pénétrer dans les origines de sa création, dans ses qualités esthétiques,
dans son histoire depuis la mort de son créateur, nous pourrions peut-être
dégager des règles expliquant le succès d'une oeuvre d'art. Ainsi,
pouvons-nous dégager quatre pistes de recherche ayant un lien étroit avec le
succès sans égal de la Joconde auprès de son public : la personnalité
marginale, fantasque et géniale de son créateur, Léonard de Vinci
(1452-1519) ; la perfection de sa technique picturale ; les mystères, qui ne
sont d'ailleurs toujours pas résolus, de l'identité du modèle qui a posé
pour cette oeuvre ; les rebondissements de son histoire, aussi surprenants
et nombreux qu'un roman policier pourrait le permettre. Léonard de Vinci
est-il un peintre, un ingénieur, un inventeur ou un philosophe ? Né en 1452
dans un petit village de Toscane appelé Vinci, d'où son nom, Léonardo da
Vinci était le fils illégitime du notaire du lieu et d'une de ses servantes,
Catarina Vacca. Les témoignages sur son physique et sa personnalité
diffèrent d'autant plus que la légende s'est installée très tôt dans les
récits de sa biographie. On le décrit parfois comme un colosse à la force
prodigieuse, capable de tordre un fer à cheval dans ses mains, et souvent
comme un jeune adolescent, efféminé et rêveur. On nous le montre tantôt
comme un homme aimant les exercices physiques et les sports violents, tantôt
comme un adolescent jouant de la lyre et chantant à la perfection. Ses
qualités artistiques durent cependant apparaître dès son enfance, puisqu'en
1469, à l'âge de 17 ans, il se trouve déjà depuis trois ans dans l'atelier
du peintre et sculpteur florentin, Andrea Verrochio (1435-1488). Dans
l'atelier de cet artiste célèbre, aux côtés d'autres peintres importants
comme Sandro Botticelli ou Pérugin, il apprend durant treize ans la
technique de la peinture et les secrets de l'exécution d'un tableau. Il
s'initie également aux disciplines, considérées alors comme indispensables à
un créateur : les mathématiques, la perspective, la géométrie et, d'une
manière générale, toutes les sciences d'observation et d'étude du milieu
naturel. Il s'initie également à l'architecture et à la sculpture. Lorsque
sa formation fut achevée, il débute sa carrière de peintre par des portraits
et des tableaux religieux, grâce à des commandes passées par des notables ou
des monastères de Florence. Mais, dès cette époque, il est très difficile
-et cela se poursuivra durant toute sa carrière- de savoir avec certitude
s'il se considère lui-même comme un peintre, un artiste pluridisciplinaire
ou un ingénieur. Les limites entre les métiers ne sont pas alors figées
comme aujourd'hui et un homme de talent peut aisément passer d'une fonction
à une autre. Alors protégé par le personnnage le plus influent de Florence,
Laurent de Médicis, surnommé le Magnifique, homme politique et mécène
richissime, qui lui attire de nombreux clients, il est envoyé par ce dernier
en 1482 à Milan, afin de servir le duc Sforza. A cette occasion, il écrit au
duc de Milan une lettre étonnante, un véritable curriculum vitae, dans
lequel il révèle ses ambitions d'ingénieur, d'inventeur et également d'homme
de guerre : "Je peux construire des ponts très légers, solides, robustes,
facilement transportables, pour poursuivre et, quelquefois fuir l'ennemi
[...] J'ai également des moyens pour faire des bombardes, très commodes et
faciles à transporter, qui lancent de la pierraille presque comme la
tempête, terrorisant l'ennemi par leur fumée [...] En temps de paix, je
crois pouvoir donner aussi entière satisfaction que quiconque, soit en
architecture, pour la construction d'édifices publics et privés, soit pour
conduire l'eau d'un endroit à un autre". Plus tard, il mettra ses talents
d'ingénieur au service des villes de Pise et de Venise, des souverains de
Mantoue, la famille d'Este, et, bien sûr, du roi de France, François 1er,
qui l'invitera à venir travailler dans la vallée de la Loire, où le monarque
réside alors. Cette rare qualité d'aborder avec talent toutes les
disciplines -il sera de son vivant davantage célèbre comme ingénieur
hydraulique que comme peintre !- a étonné tous ses contemporains, ainsi que
son insatiable curiosité qui lui fit étudier sans se lasser tous les
phénomènes naturels : "D'où vient l'urine ? D'où vient le lait ? Comment la
nourriture se distribue dans les veines ? D'où vient l'ébriété ? D'où le
vomissement ? D'où la gravelle et la pierre ? [...] D'où viennent les larmes
?", confie-t-il aux pages de ses carnets d'études dans une quête constante
de réponses à toutes les questions envisageables. Sa connaissance parfaite
de l'anatomie, des effets de la lumière et des combinaisons chimiques les
plus complexes a évidemment guidé sa carrière de peintre et, dès ses
premiers chefs-d'oeuvre -la Vierge aux rochers (Paris, musée du Louvre),
commencée en 1483, la Cène (Milan, couvent Sainte-Marie-des-Grâces), qu'il
exécute en 1493, ou la Bataille d'Anghiari (tableau disparu) dont il obtient
la commande en 1503 après une lutte acharnée avec Michel-Ange-, il montre à
quel point ses connaissances scientifiques et technologiques enrichissent
l'exécution de ses tableaux. Même si ses essais techniques en peinture ne
rencontrèrent pas toujours le succès -la Cène et la Bataille d'Anghiari
furent ainsi ruinées par des innovations picturales mal maîtrisées, qui lui
attirèrent le mépris et les quolibets de certains professionnels-, Léonard
de Vinci fut célèbre pour le niveau de perfection inégalée de ses portraits
et de certains de ses tableaux religieux, comme Sainte Anne, la Vierge et
l'Enfant Jésus (Paris, musée du Louvre). La technique parfaite de la Joconde
En effet, la recherche de la perfection est une véritable obsession pour
Léonard de Vinci : "Dites-moi, dites-moi, a-t-on jamais terminé quoi que ce
soit ?", gémit-il dans ses carnets, dans lesquels il insiste fréquemment sur
son désir d'égaler la perfection de la création divine dans ses propres
créations artistiques. Peinte sur un mince support en bois de peuplier,
demeuré très fragile -ce qui explique qu'elle soit aujourd'hui conservée
dans une vitrine-, la Joconde est une réalisation exemplaire, grâce aux
effets subtils de la lumière sur les chairs et au brio du paysage situé à
l'arrière-plan du tableau. Le modelé du visage est étonnamment réaliste.
Léonard a exécuté ce tableau avec patience et virtuosité : après avoir
préparé son panneau de bois avec plusieurs couches d'enduits, il a d'abord
dessiné son motif directement sur le tableau lui-même, avant de le peindre à
l'huile, additionnée d'essence très diluée, ce qui lui permet de poser
d'innombrables couches de couleurs transparentes -que l'on appelle des
glacis- et de revenir indéfiniment sur le modelé du visage. Ces glacis,
savamment travaillés, mettant en valeur les effets d'ombre et de lumière sur
le visage, constituent ce que Léonard lui-même appelle le "sfumato". Cette
technique permet une imitation parfaite des chairs, grâce à un traitement
raffiné de la figure humaine plongée dans une demi-obscurité -le
clair-obscur-, ce qui permet à Léonard de satisfaire ses préoccupations de
réalisme. De son vivant, Léonard fut en effet surtout célèbre pour ses
capacités évidentes à imiter la nature à la perfection et lorsque son
premier biographe, le peintre Vasari a décrit la Joconde, il insistait
surtout sur le réalisme de cette oeuvre : "Ses yeux limpides avaient l'éclat
de la vie : cernés de nuances rougeâtres et plombées, ils étaient bordés de
cils dont le rendu suppose la plus grande délicatesse. Les sourcils avec
leur implantation par endroits plus épaisse ou plus rare suivant la
disposition des pores, ne pouvaient être plus vrais. Le nez, aux ravissantes
narines roses et délicates, étaient la vie même. [...] Au creux de la gorge,
le spectateur attentif saisissait le battement des veines." D'autre part,
grâce au "sfumato", Léonard peut atteindre un de ses objectifs artistiques
prioritaires, en s'intéressant en priorité à la personnalité de son modèle :
"Le bon peintre a essentiellement deux choses à représenter : le personnage
et l'état de son esprit", disait Léonard. Peindre l'âme plutôt que le
physique est en effet la finalité ultime de son oeuvre et le "sfumato",
éclairage du portrait par le clair-obscur, accentue de fait les mystères
d'une oeuvre : "plonger les choses dans la lumière, c'est les plonger dans
l'infini". A ce sujet, il est important tout de même de rappeler à quel
point la question du réalisme de la représentation du modèle est liée à
l'identité de ce modèle. Et, à ce jour, nous ne savons toujours pas si
Léonard de Vinci a représenté avec fidélité un modèle existant, s'il a
idéalisé un portrait de femme de son entourage ou s'il a entièrement imaginé
un type de femme universelle. Le mystère de l'identité du modèle En ce qui
concerne l'identité du modèle, toutes les hypothèses, y compris les plus
farfelues, ont été envisagées : Isabelle d'Este, qui régnait à Mantoue
lorsque Léonard de Vinci y séjourna -nous connaissons d'ailleurs un dessin
de sa main la représentant- ; une maîtresse de Julien de Médicis ou de
Léonard ; peut-être même une femme idéale ; et même un adolescent habillé en
femme, voire un autoportrait. Le premier témoignage concernant le modèle de
la Joconde, daté des dernières années de la vie de Léonard, parlait du
portrait "d'une certaine dame florentine faite d'après nature sur demande du
magnifique Giuliano de Médicis". Nous savons que ce portrait avait été amené
en France par Léonard de Vinci, lors de sa venue à la cour de François 1er
-et sans doute y travaillait-il encore- mais il l'avait commencé durant son
séjour à Florence entre 1503 et 1506. Il apparaît donc vraisemblable que le
modèle, quel qu'il soit, ait pu être florentin. Plus tard, un deuxième
témoignage de Vasari décrivait le portrait de Monna Lisa, la femme d'un
gentilhomme florentin, Francesco del Giocondo. Ce dernier, riche bourgeois
investi de responsabilités politiques dans sa ville, a réellement existé,
mais la vie de sa femme, Lisa Gherardini, née en 1479, ne nous est pas très
connue. Nous savons qu'elle avait épousé del Giocondo en 1495 et nous
n'avons en fait aucune preuve qu'elle ait pu être la maîtresse d'un Médicis.
Plus tard, un autre témoignage anonyme crée une certaine confusion, en
parlant, à propos de la Joconde, du portrait de Francesco del Giocondo
-origine des thèses hasardeuses qu'il s'agirait d'un portrait d'homme. Un
dernier texte, daté de 1625, fait enfin référence au "portrait en
demi-figure d'une certaine Gioconda", qui a donné définitivement son titre
français au tableau. A ce jour, nous ne possédons aucune preuve définitive
sur l'identité de la femme représentée par Léonard. En fait, il est étonnant
de noter que l'on retient davantage aujourd'hui les aspects universels du
tableau -l'idéalisation évidente du portrait, l'imagination qui a inspiré le
peintre pour le paysage, l'équilibre de la posture du modèle-, plutôt que la
référence à une personnalité ayant réellement existé. Même s'il a peint avec
réalisme un visage de femme, il est clair que Léonard s'est définitivement
dégagé des obligations de fidélité pour rechercher une description abstraite
de la figure humaine. Le roman policier de l'histoire de la Joconde Ces
qualités intrinsèques à l'oeuvre de Léonard, qui aviaent déjà impressionné
les amateurs et les professionnels de l'art, n'auraient pas suffi au succès
mondial de la Joconde si son histoire n'avait pas été également
exceptionnelle. Acquise par François 1er, soit directement à Léonard de
Vinci, durant son séjour en France, soit à sa mort, auprès de ses héritiers,
ce tableau est demeuré dans les collections royales depuis le début du XVIè
siècle jusqu'à la création du Museum Central des Arts au Louvre en 1793.
Nous savons qu'il fut conservé à Versailles sous Louis XIV et qu'il était
aux Tuileries durant le Premier Empire. Depuis la Restauration, Monna Lisa
est toujours restée au musée du Louvre, pièce maîtresse des collections
nationales. Etudiée par les historiens et les peintres, qui la copièrent
fréquemment, la Joconde devait devenir mondialement célèbre après son vol en
1911. Le 21 août 1911, un peintre italien un peu fou, Vincenzo Peruggia
l'avait en effet dérobée afin de la rendre à son pays d'origine. Après une
longue enquête policière, durant laquelle on suspecta tout le monde, y
compris les peintres cubistes et le poète Guillaume Apollinaire, qui avait
un jour crié qu'il fallait "brûler le Louvre". Monna Lisa fut retrouvée en
Italie presque deux années plus tard et réaccrochée au Louvre, traitée avec
les honneurs d'un chef d'état, après avoir occupé, durant toute cette
période, les premières pages de tous les journaux du monde. Depuis lors, ce
tableau est véritablement devenu un objet de culte, sacralisé jusqu'à
l'excès. Les deux voyages qu'elle effectua au XXè siècle, en 1963 aux
Etats-Unis et en 1974 au Japon, furent des succès sans précédent, l'oeuvre
étant mieux accueillie par les foules qu'une star du cinéma. Ces deux
voyages participèrent d'ailleurs beaucoup à sa notoriété, comme le vol de
1911, et les publics japonais et américains vouent depuis lors un véritable
culte à cette oeuvre qui séjourna quelques semaines sur leur territoire et
devant laquelle des centaines de milliers de visiteurs défilèrent. Un
créateur hors du commun et une technique sans faille, liés aux mystères de
son modèle et de son histoire, furent donc à l'origine d'un engouement
étonnant pour Monna Lisa qu'aucune autre oeuvre d'art n'a connu jusqu'alors.
Peut-être d'ailleurs le fait que ce tableau représente une figure humaine,
c'est-à-dire ni une scène religieuse ou profane, thèmes toujours datés et
oubliés dès que les modes s'estompent, ni un paysage ou une nature morte,
des sujets parfois trop intellectuels, expliquent sûrement cette passion des
foules. En effet, le genre du portrait, genre directement accessible pour le
public, a toujours été populaire et Léonard lui-même, semblant prédire déjà
le succès de ce portrait, n'avait-il pas écrit : "Ne vois-tu pas que parmi
les beautés humaines, c'est le beau visage qui arrête les passants, et non
les ornements riches...", insistant ainsi sur les mystères des échanges du
regard d'un visiteur avec ce visage étrange et souriant





Correction :

Les visages de la Joconde

Léonard de Vinci La Joconde (Monna Lisa) vers 1503-1506 Bois - H 77 cm

par Vincent Pomarède Conservateur au département des Peintures du musée du
Louvre

Introduction :

Quel est le lien mystérieux qui s'établit au cours du temps entre une oeuvre
d'art et son public ? Quels sont les éléments, les motivations profondes et
les secrets techniques qui peuvent expliquer que la Victoire de Samothrace,
la Vénus de Milo ou l'Angélus de Jean-François Millet soient devenus des
objets d'admiration, de contemplation -presque d'adoration- universelles, au
point que tous les supports modernes, depuis les calendriers de fin d'année
jusqu'à la publicité, les aient utilisés, parfois, jusqu'à l'excès ?

L'étude du succès sans égal, depuis trois siècles, de la Joconde de Léonard
de Vinci -nommée Monna Lisa par le public anglo-saxon- permettrait sans
doute de mieux comprendre les motivations nombreuses et complexes qui
amènent les visiteurs d'un musée à ne se souvenir que d'une seule oeuvre au
milieu de milliers d'autres. En effet, la Joconde est sans contestation
possible le tableau le plus célèbre du monde, identifié aujourd'hui
totalement au musée du Louvre et même à la notion d'art en général. Et si
nous parvenions à pénétrer dans les origines de sa création, dans ses
qualités esthétiques, dans son histoire depuis la mort de son créateur, nous
pourrions peut-être dégager des règles expliquant le succès d'une oeuvre
d'art.

Ainsi, pouvons-nous dégager quatre pistes de recherche ayant un lien étroit
avec le succès sans égal de la Joconde auprès de son public : la
personnalité marginale, fantasque et géniale de son créateur, Léonard de
Vinci (1452-1519) ; la perfection de sa technique picturale ; les mystères,
qui ne sont d'ailleurs toujours pas résolus, de l'identité du modèle qui a
posé pour cette oeuvre ; les rebondissements de son histoire, aussi
surprenants et nombreux qu'un roman policier pourrait le permettre.



I. La personnalité de Léonard de Vinci : Léonard de Vinci est-il un peintre,
un ingénieur, un inventeur ou un philosophe ?

A. son enfance et son apprentissage

Né en 1452 dans un petit village de Toscane appelé Vinci, d'où son nom,
Léonardo da Vinci était le fils illégitime du notaire du lieu et d'une de
ses servantes, Catarina Vacca. Les témoignages sur son physique et sa
personnalité diffèrent d'autant plus que la légende s'est installée très tôt
dans les récits de sa biographie. On le décrit parfois comme un colosse à la
force prodigieuse, capable de tordre un fer à cheval dans ses mains, et
souvent comme un jeune adolescent, efféminé et rêveur. On nous le montre
tantôt comme un homme aimant les exercices physiques et les sports violents,
tantôt comme un adolescent jouant de la lyre et chantant à la perfection.
Ses qualités artistiques durent cependant apparaître dès son enfance,
puisqu'en 1469, à l'âge de 17 ans, il se trouve déjà depuis trois ans dans
l'atelier du peintre et sculpteur florentin, Andrea Verrochio (1435-1488).
Dans l'atelier de cet artiste célèbre, aux côtés d'autres peintres
importants comme Sandro Botticelli ou Pérugin, il apprend durant treize ans
la technique de la peinture et les secrets de l'exécution d'un tableau. Il
s'initie également aux disciplines, considérées alors comme indispensables à
un créateur : les mathématiques, la perspective, la géométrie et, d'une
manière générale, toutes les sciences d'observation et d'étude du milieu
naturel. Il s'initie également à l'architecture et à la sculpture.

B. Sa carrière en Italie

Lorsque sa formation fut achevée, il débute sa carrière de peintre par des
portraits et des tableaux religieux, grâce à des commandes passées par des
notables ou des monastères de Florence. Mais, dès cette époque, il est très
difficile -et cela se poursuivra durant toute sa carrière- de savoir avec
certitude s'il se considère lui-même comme un peintre, un artiste
pluridisciplinaire ou un ingénieur. Les limites entre les métiers ne sont
pas alors figées comme aujourd'hui et un homme de talent peut aisément
passer d'une fonction à une autre. Alors protégé par le personnnage le plus
influent de Florence, Laurent de Médicis, surnommé le Magnifique, homme
politique et mécène richissime, qui lui attire de nombreux clients, il est
envoyé par ce dernier en 1482 à Milan, afin de servir le duc Sforza. A cette
occasion, il écrit au duc de Milan une lettre étonnante, un véritable
curriculum vitae, dans lequel il révèle ses ambitions d'ingénieur,
d'inventeur et également d'homme de guerre : "Je peux construire des ponts
très légers, solides, robustes, facilement transportables, pour poursuivre
et, quelquefois fuir l'ennemi [...] J'ai également des moyens pour faire des
bombardes, très commodes et faciles à transporter, qui lancent de la
pierraille presque comme la tempête, terrorisant l'ennemi par leur fumée
[...] En temps de paix, je crois pouvoir donner aussi entière satisfaction
que quiconque, soit en architecture, pour la construction d'édifices publics
et privés, soit pour conduire l'eau d'un endroit à un autre".

C. un artiste et un scientifique réputé

Plus tard, il mettra ses talents d'ingénieur au service des villes de Pise
et de Venise, des souverains de Mantoue, la famille d'Este, et, bien sûr, du
roi de France, François 1er, qui l'invitera à venir travailler dans la
vallée de la Loire, où le monarque réside alors. Cette rare qualité
d'aborder avec talent toutes les disciplines -il sera de son vivant
davantage célèbre comme ingénieur hydraulique que comme peintre !- a étonné
tous ses contemporains, ainsi que son insatiable curiosité qui lui fit
étudier sans se lasser tous les phénomènes naturels : "D'où vient l'urine ?
D'où vient le lait ? Comment la nourriture se distribue dans les veines ?
D'où vient l'ébriété ? D'où le vomissement ? D'où la gravelle et la pierre ?
[...] D'où viennent les larmes ?", confie-t-il aux pages de ses carnets
d'études dans une quête constante de réponses à toutes les questions
envisageables. Sa connaissance parfaite de l'anatomie, des effets de la
lumière et des combinaisons chimiques les plus complexes a évidemment guidé
sa carrière de peintre et, dès ses premiers chefs-d'oeuvre -la Vierge aux
rochers (Paris, musée du Louvre), commencée en 1483, la Cène (Milan, couvent
Sainte-Marie-des-Grâces), qu'il exécute en 1493, ou la Bataille d'Anghiari
(tableau disparu) dont il obtient la commande en 1503 après une lutte
acharnée avec Michel-Ange-, il montre à quel point ses connaissances
scientifiques et technologiques enrichissent l'exécution de ses tableaux.

Transition :

Même si ses essais techniques en peinture ne rencontrèrent pas toujours le
succès -la Cène et la Bataille d'Anghiari furent ainsi ruinées par des
innovations picturales mal maîtrisées, qui lui attirèrent le mépris et les
quolibets de certains professionnels-, Léonard de Vinci fut célèbre pour le
niveau de perfection inégalée de ses portraits et de certains de ses
tableaux religieux, comme Sainte Anne, la Vierge et l'Enfant Jésus (Paris,
musée du Louvre).



II. La technique parfaite de la Joconde

En effet, la recherche de la perfection est une véritable obsession pour
Léonard de Vinci : "Dites-moi, dites-moi, a-t-on jamais terminé quoi que ce
soit ?", gémit-il dans ses carnets, dans lesquels il insiste fréquemment sur
son désir d'égaler la perfection de la création divine dans ses propres
créations artistiques.

A. Le sfumato

Peinte sur un mince support en bois de peuplier, demeuré très fragile -ce
qui explique qu'elle soit aujourd'hui conservée dans une vitrine-, la
Joconde est une réalisation exemplaire, grâce aux effets subtils de la
lumière sur les chairs et au brio du paysage situé à l'arrière-plan du
tableau. Le modelé du visage est étonnamment réaliste. Léonard a exécuté ce
tableau avec patience et virtuosité : après avoir préparé son panneau de
bois avec plusieurs couches d'enduits, il a d'abord dessiné son motif
directement sur le tableau lui-même, avant de le peindre à l'huile,
additionnée d'essence très diluée, ce qui lui permet de poser d'innombrables
couches de couleurs transparentes -que l'on appelle des glacis- et de
revenir indéfiniment sur le modelé du visage. Ces glacis, savamment
travaillés, mettant en valeur les effets d'ombre et de lumière sur le
visage, constituent ce que Léonard lui-même appelle le "sfumato". Cette
technique permet une imitation parfaite des chairs, grâce à un traitement
raffiné de la figure humaine plongée dans une demi-obscurité -le
clair-obscur-, ce qui permet à Léonard de satisfaire ses préoccupations de
réalisme.

B ; le réalisme

De son vivant, Léonard fut en effet surtout célèbre pour ses capacités
évidentes à imiter la nature à la perfection et lorsque son premier
biographe, le peintre Vasari a décrit la Joconde, il insistait surtout sur
le réalisme de cette oeuvre : "Ses yeux limpides avaient l'éclat de la vie :
cernés de nuances rougeâtres et plombées, ils étaient bordés de cils dont le
rendu suppose la plus grande délicatesse. Les sourcils avec leur
implantation par endroits plus épaisse ou plus rare suivant la disposition
des pores, ne pouvaient être plus vrais. Le nez, aux ravissantes narines
roses et délicates, étaient la vie même. [...] Au creux de la gorge, le
spectateur attentif saisissait le battement des veines." D'autre part, grâce
au "sfumato", Léonard peut atteindre un de ses objectifs artistiques
prioritaires, en s'intéressant en priorité à la personnalité de son modèle :
"Le bon peintre a essentiellement deux choses à représenter : le personnage
et l'état de son esprit", disait Léonard. Peindre l'âme plutôt que le
physique est en effet la finalité ultime de son oeuvre et le "sfumato",
éclairage du portrait par le clair-obscur, accentue de fait les mystères
d'une oeuvre : "plonger les choses dans la lumière, c'est les plonger dans
l'infini".

Transition :

A ce sujet, il est important tout de même de rappeler à quel point la
question du réalisme de la représentation du modèle est liée à l'identité de
ce modèle. Et, à ce jour, nous ne savons toujours pas si Léonard de Vinci a
représenté avec fidélité un modèle existant, s'il a idéalisé un portrait de
femme de son entourage ou s'il a entièrement imaginé un type de femme
universelle.

III. Le mystère de l'identité du modèle

A. des témoignages contradictoires

En ce qui concerne l'identité du modèle, toutes les hypothèses, y compris
les plus farfelues, ont été envisagées : Isabelle d'Este, qui régnait à
Mantoue lorsque Léonard de Vinci y séjourna -nous connaissons d'ailleurs un
dessin de sa main la représentant- ; une maîtresse de Julien de Médicis ou
de Léonard ; peut-être même une femme idéale ; et même un adolescent habillé
en femme, voire un autoportrait.

Le premier témoignage concernant le modèle de la Joconde, daté des dernières
années de la vie de Léonard, parlait du portrait "d'une certaine dame
florentine faite d'après nature sur demande du magnifique Giuliano de
Médicis". Nous savons que ce portrait avait été amené en France par Léonard
de Vinci, lors de sa venue à la cour de François 1er -et sans doute y
travaillait-il encore- mais il l'avait commencé durant son séjour à Florence
entre 1503 et 1506. Il apparaît donc vraisemblable que le modèle, quel qu'il
soit, ait pu être florentin. Plus tard, un deuxième témoignage de Vasari
décrivait le portrait de Monna Lisa, la femme d'un gentilhomme florentin,
Francesco del Giocondo. Ce dernier, riche bourgeois investi de
responsabilités politiques dans sa ville, a réellement existé, mais la vie
de sa femme, Lisa Gherardini, née en 1479, ne nous est pas très connue. Nous
savons qu'elle avait épousé del Giocondo en 1495 et nous n'avons en fait
aucune preuve qu'elle ait pu être la maîtresse d'un Médicis. Plus tard, un
autre témoignage anonyme crée une certaine confusion, en parlant, à propos
de la Joconde, du portrait de Francesco del Giocondo -origine des thèses
hasardeuses qu'il s'agirait d'un portrait d'homme. Un dernier texte, daté de
1625, fait enfin référence au "portrait en demi-figure d'une certaine
Gioconda", qui a donné définitivement son titre français au tableau.

B ; la femme idéale

A ce jour, nous ne possédons aucune preuve définitive sur l'identité de la
femme représentée par Léonard. En fait, il est étonnant de noter que l'on
retient davantage aujourd'hui les aspects universels du tableau
-l'idéalisation évidente du portrait, l'imagination qui a inspiré le peintre
pour le paysage, l'équilibre de la posture du modèle-, plutôt que la
référence à une personnalité ayant réellement existé. Même s'il a peint avec
réalisme un visage de femme, il est clair que Léonard s'est définitivement
dégagé des obligations de fidélité pour rechercher une description abstraite
de la figure humaine.

Transition :

Ces qualités intrinsèques à l’œuvre de Léonard, qui avaient déjà
impressionné les amateurs et les professionnels de l'art, n'auraient pas
suffi au succès mondial de la Joconde si son histoire n'avait pas été
également exceptionnelle.

IV. Le roman policier de l'histoire de la Joconde

A. Acquise par la France

Acquise par François 1er, soit directement à Léonard de Vinci, durant son
séjour en France, soit à sa mort, auprès de ses héritiers, ce tableau est
demeuré dans les collections royales depuis le début du XVIè siècle jusqu'à
la création du Museum Central des Arts au Louvre en 1793. Nous savons qu'il
fut conservé à Versailles sous Louis XIV et qu'il était aux Tuileries durant
le Premier Empire. Depuis la Restauration, Monna Lisa est toujours restée au
musée du Louvre, pièce maîtresse des collections nationales. Etudiée par les
historiens et les peintres, qui la copièrent fréquemment, la Joconde devait
devenir mondialement célèbre après son vol en 1911.

B ; volée par un Italien

Le 21 août 1911, un peintre italien un peu fou, Vincenzo Peruggia l'avait en
effet dérobée afin de la rendre à son pays d'origine. Après une longue
enquête policière, durant laquelle on suspecta tout le monde, y compris les
peintres cubistes et le poète Guillaume Apollinaire, qui avait un jour crié
qu'il fallait "brûler le Louvre". Monna Lisa fut retrouvée en Italie presque
deux années plus tard et réaccrochée au Louvre, traitée avec les honneurs
d'un chef d'état, après avoir occupé, durant toute cette période, les
premières pages de tous les journaux du monde.

C. La Joconde a voyagé :

Depuis lors, ce tableau est véritablement devenu un objet de culte,
sacralisé jusqu'à l'excès. Les deux voyages qu'elle effectua au XXè siècle,
en 1963 aux Etats-Unis et en 1974 au Japon, furent des succès sans
précédent, l'oeuvre étant mieux accueillie par les foules qu'une star du
cinéma. Ces deux voyages participèrent d'ailleurs beaucoup à sa notoriété,
comme le vol de 1911, et les publics japonais et américains vouent depuis
lors un véritable culte à cette oeuvre qui séjourna quelques semaines sur
leur territoire et devant laquelle des centaines de milliers de visiteurs
défilèrent.

Conclusion :

Un créateur hors du commun et une technique sans faille, liés aux mystères
de son modèle et de son histoire, furent donc à l'origine d'un engouement
étonnant pour Monna Lisa qu'aucune autre oeuvre d'art n'a connu jusqu'alors.
Peut-être d'ailleurs le fait que ce tableau représente une figure humaine,
c'est-à-dire ni une scène religieuse ou profane, thèmes toujours datés et
oubliés dès que les modes s'estompent, ni un paysage ou une nature morte,
des sujets parfois trop intellectuels, expliquent sûrement cette passion des
foules. En effet, le genre du portrait, genre directement accessible pour le
public, a toujours été populaire et Léonard lui-même, semblant prédire déjà
le succès de ce portrait, n'avait-il pas écrit : "Ne vois-tu pas que parmi
les beautés humaines, c'est le beau visage qui arrête les passants, et non
les ornements riches...", insistant ainsi sur les mystères des échanges du
regard d'un visiteur avec ce visage étrange et souriant









PLAN/

Correction :

Les visages de la Joconde

Léonard de Vinci La Joconde (Monna Lisa) vers 1503-1506 Bois - H 77 cm

par Vincent Pomarède Conservateur au département des Peintures du musée du
Louvre

Introduction :



1. La personnalité de Léonard de Vinci

A. son enfance et son apprentissage

B. Sa carrière en Italie

C. un artiste et un scientifique réputé

II. La technique parfaite de la Joconde

A. Le sfumato

B ; le réalisme

III. Le mystère de l'identité du modèle

A. des témoignages contradictoires

B ; la femme idéale

IV. Le roman policier de l'histoire de la Joconde

A. Acquise par la France

B 5 volée par un Italien

C. La Joconde a voyagé :

Conclusion :

Consignes :

1. Ce texte de V. Pomarède a été recopié sans tenir compte des paragraphes
et sauts de ligne. Qu’en pensez vous ?
2. Retrouvez l’introduction et la conclusion : entourez-les en rouge
3. Retrouvez les 2 parties de la conclusion , séparez-les par un trait
rouge.
4. Retrouvez les 3 parties de l’introduction, séparez-les par un trait
rouge.
Quel est le plan annoncé ?





5. Retrouvez maintenant chacune des parties, entourez-les en vert,
donnez-leur un titre.
6. Dans chaque partie, retrouvez les sous parties, donnez-leur un titre.
7. A la fin de chaque grande partie, recherchez les phrases qui servent de
transition : hachurez les en rouge
8. Quelles conclusions tirez-vous de ce travail ?


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