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DOSSIER : 

OUTILS POUR UN DEBAT SUR LA VIOLENCE 

Par Hélène Lerou


Le texte qui suit peut servir de point de départ à un débat sur la violence, peut être utilsé dans le cadre d'une "heure de vie de classe" à la suite de problèmes de vols, de racket, de conflit avec les adultes …

La lecture préalable de l'ouvrage ( avec des mots très simples, destinés aux adolescents eux-mêmes ) de Françoise DOLTO peut aider l'adulte en difficulté face à l'adolescent à percevoir, à travers des formes d'expression qui pourraient être qualifiées d'insolence ou d'agressivité, la grande fragilité de l'adolescent, son besoin d'être reconnu "comme un sujet", " capable de prendre précocement des responsabilités", pour reprendre les mots de la célèbre psychanaliste.

On peut organiser le débat en prenant appui sur les suggestions des accompagnements du programme d'éducation civique de 5e et 4e.

 

PAROLES POUR ADOLESCENTS Le complexe du homard

Les parents, les adultes, la société : (…) Quand on se sent bloqué à l'école, quand on n'arrive pas à acquérir les bases nécessaires, ce n'est pas parce qu'on manque d'intelligence ou de capacité. Mais c'est un signal d'alarme. Un moment difficile à l'école, c'est l'occasion de poser des questions sur son avenir. Le piège serait de se sentir dévalorisé ou exclu, de penser que ce sont les autres qui décident pour vous. Votre orientation scolaire et professionnelle, c'est à vous de la prendre en main. C'est parfois bien difficile et il ne faut pas hésiter à vous adresser à des adultes de confiance - professeurs, éducateurs, psychothérapeutes - qui vous aident à découvrir votre voie propre, à faire preuve d'imagination pour trouver ce qui vous convient.

Bien trop souvent, la société piège les adolescents en leur faisant croire qu'ils sont un fardeau dont on ne sait que faire, un GROUPE D'IRRESPONSABLES dont on n'a pas besoin. Elle ne leur dit jamais à quel point elle a besoin de leur générosité et de leur créativité.

Peut-être que tout cela est inévitable, mais ce serait bien qu'un jour une société ose dire: "Oui, c'est comme ça, la peur régit tout, mais ce n'est pas pour autant bien comme cela. "

Tout au long de notre vie, nous confrontons nos idéaux à la réalité quotidienne, à la médiocrité.

Toute notre vie, nous rencontrons des gens infidèles à eux-mêmes et aux autres, qui n'ont pas de parole, qui trahissent.

Toute la question, c'est de refaire jour après jour le choix : est-ce que je garde mes valeurs ou bien est-ce que je me laisse aller à faire comme tout le monde? C'est une des questions essentielles de l'homme. Il faut oser rechoisir les mêmes valeurs, même si on se sent isolé ou ridicule, parce qu'à chaque fois qu'on y renonce par lassitude, on fait un deuil qui nous rend triste et dépressif sans qu'on s'en rende compte. (…)

La violence : (…) Quand on est en BANDE, on se sent fort et on a souvent envie de ne pas respecter les règles de la vie sociale. Cela peut mener à la DÉLINQUANCE. Comme on a un besoin vital de vivre en groupe, il faut être très fort pour résister aux pressions de la bande.

Certains petits chefs de bande usent violemment de leur pouvoir pour vous entraîner dans des histoires louches comme s'il s'agissait d'actes de bravoure. Il est beaucoup plus courageux de leur résister, de garder son sens critique et d'oser ne pas faire tout comme les autres. Et s'il le faut, de QUITTER LA BANDE. Ceux qui se moquent de cela ne sont sans doute pas capables d'avoir ce courage.

La peur physique rend souvent lâche et c'est bien compréhensible. C'est là-dessus que jouent les grands qui rançonnent les petits à la sortie de l'école, ou ceux qui se mettent à plusieurs pour attaquer un individu isolé.

C'est très important d'oser en parler aux adultes tout de suite, parce que c'est une chose très grave. Si les adultes ne vous prennent pas au sérieux, insistez jusqu'à ce que vous en trouviez un qui puisse vous aider. Sachez aussi que ceux qui vous menacent ne sont pas toujours aussi forts qu'ils veulent en avoir l'air. C'est en parlant avec des adultes qu'on peut s'en rendre compte. (…)

Le vol : (…) Quelquefois, on vole parce qu'on est PRESSÉ DE GRANDIR. On voudrait être déjà arrivé quelque part, sans d'ailleurs savoir vraiment où, mais en tout cas "plus loin". On s'impatiente et on se déguise en "grand". En volant, on s'accapare une panoplie de grand, ce qui, dans notre société, veut dire s'emparer d'objets qui coûtent de l'argent et qui vous donnent une impression de liberté.

Ce qu'on cherche à éprouver, c'est un sentiment de liberté ou de richesse intérieure, et voilà qu'on se retrouve en train de voler des choses ou de l'argent, parce que l'on n'a pas pas vraiment compris ce que l'on cherchait. Le piège, c'est que l'on est souvent entouré d'adultes qui s'imaginent que pour combler leur sentiment de vide intérieur, il faut qu'ils possèdent des objets. Là où il faudrait mettre des paroles, ils mettent des choses.

C'est souvent difficile de résister à la tentation dans une société où pour bien réussir matériellement, pour gagner beaucoup d'argent, il faut soit faire des études brillantes, soit devenir un champion sportif ou une vedette du show-biz. Tout le monde n'est pas doué pour l'une ou l'autre chose et malheureusement, notre société nous fait vivre à la fois dans le mythe du bonheur matériel et la peur du chômage. (…) Souvent on utilise un vocabulaire minimisant pour parler du vol: emprunter, chaparder, faucher, piquer, chiper, TAXER. C'est un piège car on utilise là un vocabulaire de bébé, comme pour se déresponsabiliser, alors qu'on sait très bien qu'il s'agit en réalité de vol. Certains ont la malchance, depuis qu'ils sont petits, d'avoir des parents complices de ce qu'ils appellent leurs "chapardages", alors que c'est déjà du vol, et que pour grandir, il faut apprendre à appeler les choses par leur nom. Il arrive aussi qu'on présente le vol comme un acte de courage, alors qu'il s'agit bien plutôt d'un acte imbécile d'irresponsabilité.

Le vol, même d'une petite chose, c'est donc toujours grave. Mais il n'est pas nécessaire de le dramatiser. Ce qu'il faut, c'est S'EN SORTIR. Il y a bien d'autres moyens de se valoriser en société que des actes de délinquance. L'injustice sociale peut donner envie de voler, mais il est beaucoup plus malin et courageux de s'instruire pour devenir un jour quelqu'un qui pourra faire changer les lois injustes, ou d'acquérir vite une compétence qui permettra de GAGNER SA VIE. L'inégalité des chances est une réalité. C'est une injustice, mais le vol n'est pas une façon intelligente d'établir l'égalité.

C'est bien plus valorisant d'être débrouillard, de savoir s'assurer son argent de poche, de prouver son esprit d'entreprise et son imagination.

F.DOLTO et C.DOLTO-TOLITCH, Le complexe du homard, Livre de Poche, 1989


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