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Tout le monde abattait, ceux qui venaient de s'inscrire au kolkhoze comme ceux qui exploitaient à leur compte. En deux nuits, le cheptel se trouva réduit de moitié. Dans les rues, les chiens traînaient boyaux et abats. Ils couraient des bruits sinistres : "Fait abattre, c'est plus à nous !", " Au kolkhoze, tu ne boufferas plus de viande !". Et l'on abattait. On s'empiffrait. Petits et grands, tous avaient mal au ventre. Au dîner, les mentons dégoulinaient de graisse, chacun rotait comme à un festin d'enterrement.

Mikhaïl Cholkhov, Terres défrichées, 1932.

Par trains entiers, les paysans déportés partaient vers le Nord glacial, les forêts, les steppes, les déserts, populations dépouillées de tout; et les vieillards crevaient en route, on enterrait les nouveau-nés sur le talus des routes. Des populations traînant sur des chariots tout leur pauvre avoir se jetaient vers les frontières de Pologne, de Roumanie, de Chine et passaient -pas tout entières, bien sûr - malgré les mitrailleuses [...]. Combien de victimes fit la collectivisation totale [...]? En sept années près de cinq millions de personnes ont disparu.

Victor SERGE, Mémoires d'un révolutionnaire, Paris, Seuil, 1951

À la fin de la conférence du parti, adoption d'une motion de fidélité au camarade Staline. Bien entendu tous se lèvent [...]. Des " applaudissements frénétiques se transformant en ovations " éclatent dans la petite salle. Pendant trois, quatre, cinq minutes, ils persistent. [ ] Mais déjà les mains commencent à faire mal. [..] Mais déjà les hommes d'un certain âge s'essoufflent [...]. Cependant, qui osera s'arrêter le premier.... ? Dans cette salle, parmi ceux qui sont debout et qui applaudissent, il y a des membres du NKVD, et ils surveillent qui cessera le premier ! [...] Le directeur de la fabrique de papier locale, homme solide et indépendant, est debout à la tribune et applaudit, tout en comprenant à quel point la situation est fausse et sans issue. Il applaudit pour la neuvième minute consécutive ! Pour la dixième ! C'est de la folie! De la folie collective [...]. À la onzième minute, le directeur de la fabrique prend un air affairé et s’assied à sa place [...]. Tous s'arrêtent comme un seul homme et s'asseyent à leur tour [...].

Seulement, c'est de cette façon-là, justement, que l'on repère les esprits indépendants [...].

La nuit même, le directeur de la fabrique est arrêté. On n'a pas de mal à lui coller dix ans pour un tout autre motif. Mais, après la signature du procès-verbal de l'instruction, le commissaire instructeur lui rappelle :  " Et ne soyez jamais le premier à vous arrêter d'applaudir ! "

Caricature du journal Krokodil

 

QUESTIONS

Doc 1 : a/ Qui abat et qu’est-ce qui est abattu ?

b/ Pourquoi ?

c/ Montrez que le mot  " enterrement " n’est pas choisi au hasard.

Doc 2 : d/ A quel événement fait référence ce texte ?

e/ Pourquoi ces paysans sont-ils déportés ?

f/ De quel nom étaient-ils qualifiés ?

Doc 3 :g/ Quelle est la raison des applaudissements ?

h/ Pourquoi durent-ils si longtemps ?

i/ Expliquez l’expression " lui coller 10 ans ".

Doc 4 : j/ Que pensez-vous de l’attitude du paysan sur le tracteur ?

k/ Comment l’expliquez-vous ?

l/ Quel est le rôle du personnage à pied ?

Doc 5 : m/ Qu’est-ce que ce document ?

n/ A qui et à quoi Staline est-il comparé ?

o/ Comment a-t-on appelé cette façon de faire ?

PARAGRAPHE ARGUMENTE

A partir des informations tirées des documents et en vous aidant de vos connaissances personnelles vous rédigerez un texte argumenté d’une vingtaine de lignes sur le sujet suivant : "  L’URSS des années 1930 : un régime totalitaire aux mains de Staline "